Aussi discret que l'ombre... dans la nuit. [pv Adrias]

Le serpent n'avait visiblement que peu convaincu Adrìas à partir car quand il ouvrit la porte, il perdit toute sa confiance et sa détermination devant le vent et la pluie qui semblaient tout à fait aptes à le mettre à terre. Le vent s'engouffra sous son blouson comme si celui-là n'avait été qu'un simple rideau de coton. Il frissonna comme jamais et ferma les yeux. Hors de question qu'il sorte.

Wyatt avait dû penser la même chose parce qu'une poigne musclée vint lui attraper le bras. Il se retourna, étonné que ce quasi-inconnu s’inquiète sur son sort. Mais après tout, partir par ce temps relevait de la folie, Adrìas s'en rendait bien compte maintenant. Oui, c'est cela, on allait le prendre pour un fou. Il baissa les yeux et referma la porte avec soulagement. Heureusement que le barman était généreux. Il lui fit un léger signe de main pour le remercier avant de baisser les yeux à nouveau.

Voyant que Wyatt était retourné à sa table, il le rejoignit, s'installant le plus possible près du mur. Il croisa les bras sur son torse, tentant d'arrêter de trembloter. Il songea à la nuit qui l'attendait. La serveuse lui avait proposé une couverture, il allait donc dormir là dans le hall, avec ses habits mouillés ? Il ne comprenait pas, entre rester plusieurs heures dans des vêtements trempés et courir quelques minutes sous la pluie pour après se mettre au chaud, le plus dangereux pour sa santé était le premier. Il ferma les yeux. Tant pis, si besoin, si dans quelques heures il trouvait la nuit difficile, il reprendrait le chemin de chez lui.

Il avait retiré sa veste trempée et croisé ses bras sur la table. Il ne s'était pas rendu compte que pendant toute sa réflexion, il avait posé des yeux vides sur la tasse fumante de Wyatt. Celui-là allait sûrement penser qu'il s'agissait d'un comportement visant à lui faire comprendre qu'il avait besoin d'une boisson chaude lui aussi. Il en avait envie certainement mais n'allait pas réclamer, déjà qu'il ne l'avait pas encore remercié pour tout ce qu'il avait fait pour lui ce soir... mais avait-il fait quelque chose ? Adrìas ne savait pas exactement pour quoi il devait le remercier. Pour l'avoir retenu, certainement. Il allait le faire quand la serveuse se pointa, lui demandant de retirer son chapeau. Il était vrai qu'il était assez intimidant avec sa tenue, mais de là à exiger de lui qu'il se découvre... C'était un peu ridicule mais cela permit à Adrìas de voir un peu mieux à quoi ressemblait cet homme mystérieux. Il avait l'air beaucoup moins mystique ainsi. Il ne put s'empêcher de sourire.

Wyatt engagea la conversation. Cela rassura Adrìas qui n'aurait pas à se creuser la tête pour que le moment ne devienne pas gênant. Il s'empressa de lui répondre, oubliant encore une fois qu'il devait le remercier.

- J'ai une boutique à tenir, je suis fleuriste. Il y a bien quelqu'un qui peut s'en occuper si je ne suis pas là, mais j'aurais préféré rentrer...

Si Wyatt avait gardé son chapeau, s'il avait eu encore son air froid et sombre quand il avait répondu, peut-être qu'Adrìas n'aurait pas été vexé. Evidemment, pourquoi être touché par un espèce de bandit sorti tout droit d'un comics qui vous dit ne pas être heureux d'être là ? Il n'y avait pas de quoi se sentir blessé. Mais là, alors qu'il n'avait sur lui d'inquiétant plus que son manteau qui paraissait si lourd, entendre qu'il était si peu enchanté d'être ici acheva de lui filer le cafard. Après tout c'était de sa faute à lui s'ils étaient coincés là tous les deux. S'il ne l'avait pas tiré par le bras jusque dans cet hôtel qui ne daignait même pas lui offrir une chambre, il serait endormi paisiblement dans sa chambre. Au chaud, il serait au chaud. Il frissonna une nouvelle fois.

Comme si un simple T-Shirt sec pouvait changer quelque chose. Adrìas remercia tout de même Wyatt pour son attention, même s'il savait bien qu'il faisait tellement pitié que même la plus égoïste des ordures lui aurait offert quelque chose pour le réchauffer. Il partit se changer dans les toilettes, ne pensant pas une seconde à se dévêtir même partiellement dans une salle publique. Il revint peu après, une moue encore moins satisfaite qu'auparavant sur le visage. Il avait toujours froid.

Il eut à peine le temps de s’asseoir que les plomb sautèrent. Surpris et fatigué, il avait laissé échapper un petit sursaut. Dans la stupeur ambiante personne ne l'aurait entendu, n'est-ce pas ? Il secoua la tête. Personne ne lui en tiendrait rigueur.

Un sifflement sec et dont l’écho était plus perceptible que jamais résonna dans sa tête. Il se boucha les oreilles, ferma les yeux. Il ne pensait pas que ses cauchemars pouvaient le poursuivre ainsi en dehors de sa chambre. Ce qu'il se passait dans l'intimité de ces quatre murs, dans l'obscurité de la nuit, n'était encore jamais sorti de son cocon. Jamais en public ou en extérieur n'avait-il eu à faire face à son serpent. Il posa ses coudes sur la table et prit sa tête entre ses mains. Il espérait que personne ne remarque rien alors que son souffle s'accélérait. Il n'aimait pas l'obscurité, pas plus qu'il n'aimait la sensation qui l'assaillait. Il avait cette insupportable impression que chaque recoin de la pièce cachait le pire des maux et que chaque cellule de sa peau était exposée à un danger imminent. Il se tapit sur son siège, tentant de calmer son souffle et de reprendre le contrôle sur lui-même alors qu'une voix reptilienne lui susurrait à l'oreille des mots qu'il ne voulait plus entendre.

Il fallait qu'ils rallument le plus vite possible.

(Serpent - Adrìas)

Il souffla un peu bruyamment en réponse aux sifflements qui l'assaillaient. Qu'il parte, bon Dieu ! Envahisseur, traqueur, violeur d'intimité, mais pas totem, jamais totem. Cela était encore plus flagrant, encore plus puissant quand il était sobre. À chaque fois qu'il revenait, cela le mettait dans une situation qui le révulsait toujours plus. Mais cette fois, le serpent n'eut pas le temps de jouer, il recula en sifflant, on pourrait même dire en feulant, à la manière d'un chat, quand Wyatt posa la lanterne sur la table. Lui qui avait apprécié l'étrange homme à l'habit sombre, sûrement pour le mystère et peut-être le danger qu'il dégageait, semblait à présent être déçu par son attitude aimable.

Tandis qu'Adrìas fixait la lumière avec un intérêt peu dissimulé, pour s'aveugler et ainsi ne plus voir que la lueur symbole d'espoir, le serpent restait là, caché dans le coin d'ombre qui persisterait toujours.

- Quel emmerdeur, ne veut-il pas nous laisser seuls un peu ?

La voix n'était plus qu'un murmure, Adrìas avait toujours ses yeux rivés vers la torche, à s'en brûler la rétine.

- Ferme-la.

Il siffla encore. Adrìas porta sa main à sa bouche. Ne venait-ils pas de dire cela à voix haute ? Il n'était plus sûr... Wyatt venait tout juste de dire quelque chose et il avait avancé sa tasse presque vide vers lui. Adrìas se mit à balbutier, voulant lui signifier que cela ne lui était pas destiné, qu'il ne voulait pas dire cela. Plusieurs parties de lui voulaient parler et surtout le serpent avait des choses à dire alors tout était emmêlé. Aucun mot compréhensible ne sortit de sa bouche à part un vague "non rien" puis "pas vous" à moitié mâchés. Il regarda Wyatt s'éloigner, honteux, se demandant s'il l'avait fait fuir. Forcément qu'il l'avait fait fuir, on n'ordonne pas à quelqu'un qui vous tend sa tasse de la fermer.

Puisqu'il était perdu, il ne pensa pas à boire d'ailleurs, il avait presque oublié la fameuse boisson chaude et avait les yeux dans le vague. Sûrement une ou deux personnes du fond de la salle devaient se demander ce qu'il avait à les fixer ainsi. Il ne pensa plus à rien jusqu'à ce que la lumière de la salle ne s'allume, lui piquant les yeux après avoir observé trop longtemps la lumière puis à nouveau l'obscurité. Il se frotta les paupières et quand les tâches lumineuses avaient enfin cessé de danser dans son champ de vision, Wyatt était assis à nouveau face à lui et lui posait une question étrange. Il n'y comprenait vraiment plus rien alors il répondit seulement à la question sans vraiment réfléchir.

- Si vous voulez mon avis, la femme qui vous a envoyé cela ne s'est pas posé la question quant à la signification de ces deux fleurs. Parce qu'en réalité, elles ne sont pas très joyeuses. À moins que vous ayez quelque chose à vous reprocher, cela m'étonnerait qu'elle ait souhaité votre mort. Ou bien peut-être est-elle... dérangée ?

Son regard avait dévié, il ne regardait plus le vague mais avait posé ses yeux dans ceux de Wyatt.

- Elle a montré des signes de dépendance envers vous ? Elle vous traque ? En tout cas vous devriez vous méfier.