La journée avait été longue aux bureaux. J’étais partie en début d’après-midi à la mairie pour une affaire de projet pour le développement et la gestion du tourisme dans la ville. Mais la réunion avait pris du retard, finalement elle fut annulée et il n’y avait personne dans la mairie à part la secrétaire qui était en charge de l’accueil. Je l’aimais bien, nous avions déjà beaucoup discuté ensemble. C’était une femme d’âge mûre, qui avait des enfants et qui aimait parler de tout ce qui était mode et de Paris. Elle était agréable à discuter, mais parfois parler de mode et de paris était trop pour moi, et ses enfants n’étaient pas d’un grand intérêt vu que je n’en avais pas. Quoi qu’il en soit, il était une demi-heure avant la fermeture et il n’y avait personne. J’avais profité de ma présence pour discuter un peu avec elle, apprenant les rumeurs, les ragots de la ville que j’aurais pu rater. A nous voir discuter toutes les deux, c’était un vrai paradoxe. Par la différence d’âge, mais également la différence de style. Laetitia, c’est son nom, portait des vêtements un peu trop large, type « mamie », tout en ayant de multiples bibelots, bracelets collier et j’en passe la faisant passer pour une personne rutilante de kitch. Ses habits étaient également très colorés et un peu bigarrés, mais cela convenait à son caractère enjoué et très spontané. De mon côté, j’avais toujours mes habits de travail de paris. Un ensemble tailleur à pantalon pincé bleu marine, une chemisette blanche avec quelques motifs noirs géométriques. Mon chapeau noir habituel, une paire de petit talon noir laqué, quelques rares bijoux pour s’accorder avec la clarté de la chemisette et mon mini sac à main. C’était beaucoup plus simple et moins tape à l’œil, mais renforçait en même temps la prestance et le sérieux. J’aimais ce genre d’ensemble, et bien que je sois en Province j’avais du mal à me débarrasser de cette habitude. C’est ce qui m’avait valu l’amitié de Laetitia d’ailleurs, va savoir pourquoi…
Tout allait pour le mieux, quand soudain elle reçut un appel. Notre conversation fut interrompue un moment, mais à la tête que faisait la secrétaire je savais qu’il y avait un problème. Elle raccrocha vite, et tout se passa très vite. Alors qu’elle prenait son sac, elle dit que son enfant avait eu un accident à l’école et qu’elle devait aller de suite à l’hôpital. Mais personne n’était là pour la remplacer, et il ne restait plus que 20 minutes avant la fermeture. Personne n’étant là à la mairie, qui n’était pas vraiment très fréquentée de toute manière ces jours-là, elle semblait paniquer sur quoi faire. Je lui proposais rapidement mon aide, et elle saisit l’occasion. Me donnant les clés de la mairie, elle me demanda si je pouvais fermer à sa place. Je fis de grands yeux, targuant que je ne savais pas quoi faire. Dans la panique et l’urgence elle ne m’écouta pas, m’expliquant très rapidement qu’il fallait fermer ceci et cela, puis aussi vite que c’était arrivé elle était partie de là, me laissant là… comme une idiote. Heu… les fonctionnaires peuvent vraiment faire ça ? Je soupirais, prenant sur moi et espérant que personne ne viendrait entre temps. Je devais juste fermer et partir, ça devrait être bon, non ? Elle m’en devra une, c’est certain. Je regardais autour de moi, jouant avec les clés dans ma main.
« Bon, elle avait dit que je devais faire quoi déjà… »
Je me rappelais de ce qu’ils faisaient d’habitude. Ce n’était pas la première que je venais comme ça discuter lors de la fermeture. Je regardais pour aller mettre sous clés toutes les portes donnant accès à la réserve, mais surtout avant mettais bien le panneau fermé à l’entrée. Comme ça au moins, personne ne rentre. Je m’affairais, vérifiant d’avoir bien tout fermé (lumière, portes…) au moins deux fois. J’étais tellement absorbée dans mes actions que je n’entendis même pas le bruit d’une voiture de sport dehors. J’avais quasiment tout finis, satisfaite de moi-même et du temps record. Enfin, je crois que j’avais fait vite. Mon regard se balada dans toute la salle, faisant une dernière vérification.
Soudain, je vis un visage au travers de la vitre, qui me fit presque sursauter. Je le regardais avec de grands yeux, alors qu’un jeune homme d’une certaine beauté me faisait un grand sourire. Ha, manquait plus que ça… Je regardais ma montre, voyant qu’il était 5 minutes avant la fermeture officielle. J’avais mis plus de temps à tout fermer que prévu. Je lui souris en retour, lui faisant un signe de la main pour qu’il attende. Je n’allais certainement pas le servir, car ce n’était pas mon rôle ni dans mes compétences. J’étais chargée de l’office du tourisme, pas du guichet d’accueil de la Mairie ! En plus, à voir cet énergumène depuis la vitre, il ne semblait pas du coin et était étrangement tiré à quatre épingle. Un parisien qui se serait perdu ? Mh… Ou alors un commercial parisien qui s’est perdu. Je ne voulais pas perdre de temps avec lui, aussi mignon qu’il puisse être. En tout cas, pas à la mairie, c’est certain ! Je pris donc mon sac derrière le comptoir, et finissais de fermer les grilles. Je revins vers la porte avec les clés de la mairie, sortant devant. Je ne laissais pas l’opportunité à cette personne d’entrer, car je fermais directement la porte juste devant lui, faisant attention de bien fermer à double tour. Je lui parlais en même temps cependant et souriais de manière aimable.
« Bonjour, je suis désolée mais le guichet ferme plus tôt aujourd’hui. Une urgence et personne pour remplacer Laeticia. »
Elle m’avait mise dans un pétrin celle-là, mais bon. Une fois la porte fermée, je faisais enfin à proprement parler face à l’individu. Il était, et comme attendu après sa brève apparition au travers de la vitre il était bel homme. Son accoutrement était impeccable et très bien coupé, bien différent d’un parisien lambda. Il me fit penser à un politicien ou bien à quelqu’un travaillant dans la haute sphère. En voyant du coin de l’œil la superbe voiture de sport, il était évident que c’était une personne ayant les moyens. Je ne savais pas ce qu’elle faisait ici, mais cette personne n’avait pas de chance aujourd’hui. Je restais aimable cependant, voulant tout de même l’aider comme je pouvais. Avec charme et toujours souriante, je lui proposais mon aide tout en cherchant dans mon sac mon téléphone portable.
« Mais si c’est véritablement pressé, je peux vous donner le numéro d’une personne en charge. Je ne travaille pas ici pour ma part, je suis juste venue pour dépanner. Vous êtes Monsieur… ? »
Il est vrai que je n’avais pas saisi son nom. Il était certain que je ne l’avais jamais vu auparavant. Une si belle pièce de viande aussi bien ficelée avec le superbe plat à viande rutilant qui va avec, ça ne se voit pas tous les jours et ça ne s’oublie pas.