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    Feu de camps [Soizic]

    Trafalgar Brett
    Feu de camps [Soizic] > Mer 14 Juin - 17:29:07
    Trafalgar Brett 
    Totem de l'Ours
    Totem de l'Ours
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    Date d'inscription : 30/05/2017

    La plage. Un endroit presque magique où les quatre éléments se livrent bataille. L'eau luttant contre la terre envahissante, le vent houleux et le feu éclatant du soleil. Un endroit où l'on se sent tout petit au milieu de cette nature hors norme. Un endroit où l'on peut se recentrer sur soi-même. Un endroit parfait pour les sentiments contradictoires qui s'agitaient tout au fond de Brett.

    Alors oui, il aimait bien se retrouver là, au milieu du sable, hors de la ligne des marées. Les petits grains dégoulinaient à travers ses doigts de pieds, lui rappelant inlassablement son court séjour à Knoll Beach dans le Dorset. A ne surtout pas confondre avec Shell Bay... sauf si vous aimez vous baladez à poil devant tout le monde! Il avait eu l'impression d'être sur une île déserte, loin de toutes ces conneries de la vie.

    Soupirant d'aise, il alluma sa clope d'une brindille qu'il pique de son feu de camps improvisé. Comme il avait l'intention de passer la nuit-là, il ne s'était pas gêné pour se construire un petit foyer en pierre ponce et en bois sec ramené des terres environnantes. Les bras posés sur ses genoux, il observait le ressac, laissant ses pensées divaguées.

    L'ours et Natÿre l'avaient accepté comme l'un des leurs, lui demandant beaucoup et si peu à la fois. Peu pour les autres mais beaucoup pour lui. Faire confiance. Croire. Accepter. Un clan, une famille. C'était cela le pire. S'attacher à d'autres. Perdre sa liberté pour celle des autres. Pour des gens qu'il ne choisit même pas. Encore une fois, tout tournait autour de la confiance. Une vraie torture.

    Ne trouvant pas de solution, il attira sa gratte sur ses genoux et joua quelques accords dans le vague, cherchant à se fixer sur l'air qui lui traverserait l'esprit. Sans savoir pourquoi il n'arrivait pas à se détacher du feu. Sans doute n'arrivait-il pas à se détacher du souvenir d'Odessa dans toute sa splendeur flamboyante. Alors ses notes se transformèrent lentement mais sûrement vers l'air de "Lake of Fire" de Nirvana... qu'il ne tarda pas à chanter de sa voix cassée.

    Where do bad folks go when they die?
    They don't go to heaven where the angels fly
    They go to the lake of fire and fry
    Won't see them again 'till the fourth of July

    I knew a lady who came from Duluth
    She got bit by a dog with a rabid tooth
    She went to her grave just a little too soon
    And she flew away howling on the yellow moon

    Where do bad folks go when they die?
    They don't go to heaven where the angels fly
    They go down to the lake of fire and fry
    Won't see them again 'till the fourth of July

    Now the people cry and the people moan
    And they look for a dry place to call their home
    And try to find some place to rest their bones
    While the angels and the devils try to make them their own

    Where do bad folks go when they die?
    They don't go to heaven where the angels fly
    They go down to the lake of fire and fry
    Won't see them again 'till the fourth of July
    Soizic Cloarec
    Re: Feu de camps [Soizic] > Mer 14 Juin - 22:37:51
    Soizic Cloarec 
    Totem du Saumon
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    Elle reste un moment assise sur la plage, les mains plongées dans l'étendue tiédie par la journée caniculaire. Elle ne porte que son maillot sous une robe noire, simple. Son regard fixe encore l'horizon.  Elle repense à ce matin, et le jour le précédant. Elle avait passé la nuit dans sa barque, flottant sur une huile d'eau aussi noire que l'avait été le ciel sans lune.
    En temps normal, elle s'endormait vite. Pourquoi avait-il fallu qu'hier soit différent? Elle ne se l'expliquait pas. Elle avait juste pris sa pagai à l'extérieur du cabanon et avait traîné l'embarcation à l'eau. Privé de lumière, l'océan eut semblé invisible. C'eut été comme naviguer sur du vide. Et peu importait que ce soit beau : une fois soleil levé, et vous êtes encore là, debout, avec des cernes et une tronche d'ahurie, seule reste la fatigue...

    Soizic s'était endormie sur la plage. Parce qu'une fois rentrée de sa nuit blanche, elle n'avait pu songer à rouler jusqu'à sa cabane. La barque était échouée sur la rive. Peut être que quelqu'un la lui volerait, ça ne s'était encore jamais produit, mais peut être... Elle se redresse péniblement et époussette ses genoux - une de ses nombreuses manies.  D'un geste second elle touche son visage recouvert d'une poudre blanche, confectionnée par ses soins. Malgré sa peau mate, et cette pommade, ses joues étaient irritées. Ses cheveux lâchés ne suivaient pas la force du vent, retenus par un sel marin qui avait séché. Elle avait l'air d'une indigène, une indigène bretonne, un truc dans le genre. Un peu groggy, elle s'étire et s'apprête à grimper le talus pour rentrer chez elle -il le fallait bien! Mais un mouvement l'interpelle. Elle songe bêtement à la même lumière qu'elle aperçoit parfois dans l'eau : pas tout à fait une écaille, mais pas une vague non plus...juste, une chose tangible, qu'on ne peut pas imaginer, mais qui s'évapore pourtant. Seulement voilà, la forme claire, elle, ne s’évapore pas. Elle s'approche même, et parce qu'elle s'approche, Soizic presse le pas dans sa direction.

    Elle se dit que rien de censé ne s'approcherait d'elle et de ses allures malhabiles s'il n'y avait pas une bonne raison à cela. Lorsqu'elle comprend que c'est un chien, elle ralentit l'allure, les sourcils froncés. L'animal est grand et blanc. Il boitille et son museau est amoché par une entaille assez large pour saigner. Soizic reste à distance raisonnable du chien, mais ce dernier continue d'avancer.

    "Salut" qu'elle dit, très sérieuse.

    Le chien baisse sa tête une fois arrivé près d'elle. Sa truffe renifle les poches de Soizic, peut être dans l'espoir d'y dénicher des biscuits. Elle passe une main sur la nuque de l'animal avant de s'agenouiller sur le sable, préoccupée. Elle n'est pas douée pour comprendre les autres, y compris chez les animaux. Elle sait juste qu'ils ont leurs propres règles : elle est même convaincue qu'une de ces règles est d'éviter les inconnues étranges.  Aussi elle ne comprend pas pourquoi il s'est approché. Elle lui soulève un peu les babines pour examiner ses dents et sa gencive, et il se laisse faire. Après deux, trois examens supplémentaires, prenant soin d'éviter sa plaie au museau, elle se relève et cherche du regard une corde, quelque chose pour guider l'animal. Mais celui ci s'est déjà détourné, ragaillardi par un détail un peu insolite.
    Un feu, à quelques mètres de là. Il aboie.

    "Ton maître est là bas ?" Il repart en sens inverse pour toute réponse. Soizic le suit de son regard perçant, sa gueule encore tartinée de son masque blanc. Finalement elle hausse des épaules et le suit. S'il n'avait pas été blessé, elle l'aurait laissé jouer sur la plage. Elle ne partageait pas la même idée d'abandon que les habitants de ces terres. Elle-même passait le plus clair de son temps dehors. Si le chien était errant, ce n'était pas triste, juste un peu plus dur, de temps en temps..... Ce n'est qu'une fois arrivée devant le feu de camp qu'elle remarque l'homme. Et l'homme joue. Elle est surprise de n'entendre la musique que maintenant. Ses pensées l'avaient happée, encore une fois, assez pour la couper de la réalité.
    Le chien s'était déjà allongé à deux mètres d'eux, mâchouillant un bout de bois flotté. Le feu renvoyait des braises qui virevoltaient devant Soizic telles des lucioles suivant le tempo. Au loin, le soleil avait commencé sa paresseuse déclinaison.

    "C'est ton chien ?" demande-t-elle de sa voix grave, sans le saluer. Elle s'accroupit devant lui et penche sa tête sur le côté pour mieux le détailler. On oubliait à quel point le regard était signe de proximité. Son père n'avait eu de cesse de lui répéter qu'une telle attitude était inappropriée, lorsqu'ils avaient pris le tramway de San francisco.

    "Soizic, on ne soutient pas le regard des gens!"

    "Je ne soutiens pas leur regard, je les regarde, c'est différent."


    Et lui d'avoir maugréé dans sa barbe : "et gnagnagna que dieu lui vienne en aide, et que depuis le temps, vraiment, elle aurait du s'habituer à la vie urbaine. Mais non, et en cela, il était le plus remarquable des pères, un modèle de patience" ....d'autres trucs aussi, auxquelles Soizic n'avaient pas prêté attention.

    Donc, elle le regarde. Et oui, c'était différent. Ce qu'elle remarque tout de suite, c'est son style un peu badaud. Elle se demande si c'est un clochard, ce qui pourrait expliquer qu'il possède un chien -les clochards avaient souvent des chiens, non pas car c'était cliché, mais parce qu'au moins ils y trouvaient de la compagnie. Elle n'était pas dérangée par ce constat, même...plutôt à l'aise avec l'idée. Sa guitare était comme tout ce qu'elle avait vu d'une guitare auparavant, mais pour le reste...elle trouvait fascinant que la couleur dorénavant rosée du soleil reflète sa joue de la sorte. On aurait dit un tableau. Elle lui sourit, trop vite et..d'une manière assez effrayante, en un sens.

    "Il est blessé. Je sais pas comment on s'occupe d'un animal, un animal blessé je veux dire."

    Elle ne s'est pas assise, elle est toujours accroupie, telle l'image hallucinée d'un esprit de la mer petit et débraillé.
    Trafalgar Brett
    Re: Feu de camps [Soizic] > Mer 14 Juin - 23:15:24
    Trafalgar Brett 
    Totem de l'Ours
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    Elle était apparue comme un diable bondissant hors de sa boite. Le faisant à moitié sursauté. Il en avait même claquer sa main sur ses cordes, tirant un bruit grinçant de son instrument. Elle le fixait de ses grands yeux, le détaillant comme le marchand de bétail le ferait d'une vache et il ne détourna pas le regard non plus. Manquerait plus que ça! Soudain, il sourit. Blasé et narquois. Comme d'habitude. Si elle pensait le déstabiliser avec un truc pareil, elle se foutait le doigt dans l'oeil jusqu'au coude.... même si ses nerfs commençaient à le titiller. Pour lui, cela restait un signe de défi, d'irrespect flagrant.

    - No. It isn't my dog... Tu as quelque chose sur le visage, souligna-t-il en faisant un rond avec son doigt autour du sien. Après tout, on signalait bien aux autres le bout de laitue qu'ils avaient entre les dents. Alors il pouvait bien lui dire qu'elle avait un truc blanc dégueu sur la tronche.

    Il reprit ses accords dans l'espoir qu'elle s'en irait mais hélas, elle continua à lui adresser la parole, souriant comme une folle dingue. Lui demandant de l'aide pour soigner l'animal. Encore une fois, il se redressa pour la contempler d'un air ennuyé. Qu'est-ce qu'il en savait de comment soigner les animaux? Il n'était pas véto, lui. Alors, il haussa les épaules et s'en savoir pourquoi il repoussa sa gratte pour s'emparer de son sac et chercher sa gourde d'eau.

    - J'en sais trop rien non plus. Mais je pense que cela doit être un peu comme nous... J'veux dire: faut que la blessure soit propre avant toute chose...

    La trouvant enfin, il la lui tendit pour qu'elle puisse s'en occuper pendant qu'il faisait encore jour. Une fois la main débarrassée, il s'alluma une cigarette et s'amusa à faire des ronds avec sa fumée. De temps en temps, il jetait un coup d'oeil vers la jeune femme. Un peu comme un aimant attiré par du métal. Y avait un truc chez cette nana qui le tracassait mais il était incapable de dire quoi.

    - Tu ferais mieux de l'emmener en ville... Voir un vet'... En plus, ils lui trouveront certainement un maitre pour s'occuper de lui correctement...

    Après tout, avoir à manger tous les jours, c'était sympa aussi. Cela lui faisait qu'il devrait peut-être trouver un job dans le coin et un endroit où poser ses affaires. Apparemment son séjour à Totarnec n'était pas aussi provisoire qu'il l'avait pensé dans un premier temps. Peut-être que Natÿre aurait un plan sous le coude. Après tout, il n'était pas son premier "élève" et elle devait en connaitre assez pour lui filer de bons tuyaux.
    Soizic Cloarec
    Re: Feu de camps [Soizic] > Jeu 15 Juin - 12:27:14
    Soizic Cloarec 
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    Elle ne se formalise pas à parler lorsqu'il lui désigne son masque au visage, se contentant d'acquiescer en silence, encore accroupie. Il avait l'air énervé, de ce genre d'agacement qu'on a sans cesse en nous. D'une certaine manière il lui rappelait son père. A mesure qu'elle l'observe, elle lui trouve un côté attachant de petit garçon mal luné.
    Il y avait quelque chose d'étrange chez lui. Oh, c'était sans doute se foutre de la gueule du monde que de dire ça, surtout quand on était Soizic. Mais elle ne pouvait s'empêcher de le regarder encore, essayant de mettre le doigt sur cette particularité.
    Lorsqu'il lui tend la gourde, elle l'attrape presque machinalement. Son regard suit ses mouvements, un peu perdu. Finalement elle sourit encore.

    "Tu es marrant." dit-elle simplement. Elle se lève alors telle un ressort pour se diriger vers le chien. Ce dernier est trop occupé à mâcher son bout de bois pour lui prêter attention. Elle lui murmure quelque chose, un bref "ca va ?". Elle aime bien parler avec les animaux, à défaut très à l'aise pour échanger des phrases avec des idées dedans. Sans doute car ils ne pouvaient pas répondre, ou du moins pas de la même manière. Elle verse un peu d'eau sur le museau du chien, attendant sa réaction. Il n'a pas l'air de s'en faire. Décidément, ce bout de bois se devait d'être exceptionnel.

    Tu ferais mieux de l'emmener en ville... Voir un vet'... En plus, ils lui trouveront certainement un maître pour s'occuper de lui correctement...

    Elle ne répond pas. Le bruit du feu crépite à leurs oreilles tandis qu'elle s’évertue à enlever le sang des poils. Elle fronce un peu les sourcils devant la profondeur de l'entaille. On ne se faisait pas une telle entaille par accident. Elle soupire, s'assoit à côté de l'animal et passe ses doigts sur ses joues pour récupérer le masque : et d'en tapoter avec le museau du chien. Elle grimace un peu à voir la pâte blanche s'enfoncer dans la plaie. Le chien l'observe, la queue battant l'air.

    "tu es courageux.." qu'elle murmure. Quand elle a fini, elle nettoie son propre visage à l'aide de la gourde et se lève pour la lui rendre, avec une lenteur calculée, comme pour ne pas le faire fuir devant sa nature trop instable. Si ça ne tenait qu'à elle, elle lui aurait saisi la guitare des mains pour l'examiner sous toutes ses coutures, puis elle lui aurait raconté l'impression qu'on a, en mer, à pagayer en pleine nuit sans en voir le fond. Elle lui aurait demandé plein de choses aussi :"est-ce qu'il était énervé ? Est-ce que c'était propre au clochard, ou bien il était juste ainsi fait? " S'il était bien un clochard, même, ou s'il appartenait à une mode passagère : elle était fascinée par les modes passagères ; il y avait les hipsters, elle s'en souvenait de ce terme, qu'elle trouvait incroyable. C'était comme voir des tribus différentes, sauf qu'on ne naissait pas dedans juste...on choisissait. Elle pose ses fesses sur le sable, pas dérangée d'être si proche de lui.

    Tiens, le soleil s'était quasiment couché. Il lui avait suffi d'un bref coup d'oeil pour y penser. Elle reporte son attention sur l'être bougon. Elle a envie de lui décoiffer les cheveux, lui dire que ce n'est pas grave, que dans la vie il ne faut pas être aussi agacé, parce que, parfois, on regrette et qu'on s'habitue, on s'habitue surtout, à toujours être agacé : comme une carapace. Ou plutôt, une grosse couverture chaude avec plein de poils : une fourrure, voilà. L'image était étrange, mais Soizic la trouvait aussi parfaite dans son cas.

    Elle lève son minois trop juvénile vers le ciel.

    "Je ne connais qu'un vétérinaire, mais il ne veut plus me voir."

    Elle rabaisse sa tête, et le regarde encore, trop longtemps.
    "Je l'ai frappé."

    Bon, frapper n'était sans doute pas un terme approprié. "S'être jetée sur lui en lui envoyant un gros coup de poing tout en s'attachant au col de sa blouse", aurait mieux convenue. Parce qu'il avait un peu trop tordu l'aile de pigeon que Soizic lui avait ramené, et que l'oiseau avait crié. Elle lui avait bien demandé d'arrêter. Mais il avait répondu "je suis obligé, n'ayez crainte". Déjà, n'ayez crainte, elle savait pas ce que ça voulait dire. Alors elle lui avait répété de lâcher le pigeon, mais il l'avait ignorée. Et on ignore pas Soizic, ou alors...si, c'est vrai, on l'ignorait souvent. Mais là, c'eut été différent. Bref.

    "Tu es musicien ? Tu vis dans le métro, là où on lance des pièces aux gens contre les murs ?"

    Elle suit la volute de fumée un instant, semble y saisir une forme...encore cette forme. Elle se frotte les yeux, avant de se faire une tresse sans y penser, parce qu'elle a un peu chaud à côté du feu.

    "Je suis désolée, si tu ne m'aimes pas. Souvent on ne m'aime pas. Normalement ça me va mais..." elle lui adresse une moue contrite.

    "Il y a le chien, et tu as l'air de savoir te débrouiller tu sais...Je veux dire.." elle image la chose en faisant des gestes pas précis avec ses mains "quelqu'un qui se débrouille, qui sait quoi faire."

    Elle baisse les bras, arrangeant ses jambes dans une position précaire de lotus.

    "Les cicatrices peuvent s'infecter, mais je sais pas si elle va s'infecter. Tu crois qu'elle va s'infecter ?"


    Le soleil s'est couché maintenant. Soizic aimerait bien prendre une douche, laisser ses cheveux mouillés sur ses épaules, rentrer dans son atelier de peinture et tacher ses vêtements de rouge, souvent du rouge, comme elle avait l'habitude de le faire. Parce que la mer lui rappelait le rouge, plus que le bleu : le corail, le soleil, le sang aussi...c'était comme si elle était intrinsèquement liée à son contraire. Elle imagine aussi le chien, dans la cabane, en train de chiper un pinceau pour l'emporter dans un coin et le mâchouiller. Elle sourit à cette pensée. Peut être qu'elle va le garder, mais...l'océan, la pêche. Elle n'était pas souvent chez elle...

    Elle attrape un bout de cendre qui volait par la, l'écrase entre son pouce et son index tout en réfléchissant. Puis de s'arracher à son état trop vite, observant l'homme.

    "Tu veux du café ? Tu n'as pas faim ? Moi j'ai souvent faim quand je rentre de  mer."

    Elle se gratte le coin de l'oeil, pose ses mains sur ses chevilles nues, les tapotant négligemment.

    "Ma cabane est juste à côté. Je suis venue en voiture. Il faudrait tu m'aides à porter ma barque pour la mettre dans le coffre, d'habitude j'ai assez de force mais...pas en ce moment."

    "Tu peux allumer un feu là bas aussi, si tu veux. Jouer de la guitare. Il y a une dune à côté. Je resterais loin, si je te dérange. Je veux juste que tu m'aides...pour le chien, que tu essaies."

    Soudain elle se relève d'un bond. Le vent agite légèrement sa robe. Elle le regarde, très sérieuse, et tend alors sa main. Parce qu'elle avait toujours vu les gens faire ça dans les films, sauf que c'était souvent l'homme qui le faisait, enfin...

    "Pas fâché ?"
    Trafalgar Brett
    Re: Feu de camps [Soizic] > Jeu 15 Juin - 13:14:12
    Trafalgar Brett 
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    Ben voilà! Il venait d'attirer une folle. Une gamine complètement givrée qui le trouvait" marrant" en plus. Il n'était pas sorti de l'auberge avec tout ça. Lui qui voulait simplement rester seul, se vider l'esprit, se recentrer comme dirait ceux qui font du Yoga. C'était raté! A croire qu'il avait fait quelque chose au bon Dieu... ou aux Esprits dans son cas.

    En tout cas, elle s'occupait du cleps. Il avait au moins gagné le droit de ne pas s'en préoccuper d'avantage. Les chiens, c'était pas trop son truc. Ils avaient tendance à lui grogner dessus au pire et au moins à lui gueuler dessus en s'excitant. Pourtant, il ne leur avait jamais rien fait. Il devait avoir un truc... une odeur peut-être. Il n'en savait rien. Soudain, une idée farfelue commença à mûrir à travers ses neurones: Et si c'était parce que l'Ours l'avait choisi? Why not... Après tout, les chiens chassaient bien les ours pour leurs maîtres... Sans réfléchir, il leva sa manche jusqu'à son propre nez pour la renifler. Est-ce qu'il avait changé d'odeur depuis sa rencontre avec l'ursidé? Nan, pas l'impression. Alors cela voudrait dire qu'il l'avait à l'oeil depuis longtemps? Décidement, il avait encore des questions à poser à la Dame de Feu. A l'idée de devoir retourner la voir, il eut un autre sourire. Un sourire en coin mais moins blasé pour le coup. Peut-être qu'avec un peu de chance, ce sera pour bientôt...

    Dérangé dans ses pensées, il tourna la tête vers la gamine qui n'en était pas une.

    - What? No Kidding?! You? Boxing a guy? Tss... Of course, yeah!

    Totalement sceptique sur la véracité de cette affirmation, il ricanait, mordillant le mégot de sa clope. Juste avant de reprendre son sérieux et son air toujours aussi blasé. A croire qu'il portait toujours son masque... ou sa fourrure comme elle le pensait.

    - I'm a singer and yes, i play sometimes in subway... Je joue aussi dans les bars ou les pubs. Dans la rue quand je peux pas faire autrement...


    Mais pourquoi il se tuait à lui répondre comme un bon toutou obéissant? Qu'est-ce qu'il en avait à foutre de cette fille? Elle n'était même pas jolie... En plus, elle parlait tout le temps. Un vrai moulin à paroles. Gooooossssshhhh!

    Et en plus, elle voulait de l'aide pour porter sa p'tain de barque à la con jusqu'à sa voiture?! Ce truc devait bien peser une tonne à coup sûr! Mais qu'est-ce qu'il avait fait à la Terre entière pour ne pas pouvoir rester là, tranquille, dans sa dune avec son feu de camps, hein? Alors oui, il marmonna un "Fuuuuuuckkkk" dans sa barbichette. Rien à foutre du café et de la nourriture. Il voulait juste être tranquille sous les étoiles, à se laisser porter par la mélodie de la mer pour pouvoir réfléchir à tout ça.

    Finalement, après de longues minutes à tergiverser, il soupira bruyamment.

    - Tu fais chier avec ta barque à la con. Bon, elle est où? Qu'on en finisse! Et j'veux pas que le cleps m'approche de trop prêt. Ils ont tendance à pas m'aimer.... Nan, j'suis pas fâché!, lança-t-il sur un ton plus hargneux qu'il l'avait voulu réellement. Bien entendu, il se leva, époussetant son jeans noir et délabré pour en enlever le sable. Restant pieds nus, il regardait les alentours pour essayer de distinguer le bateau en question.

    - Bon, on va le chercher. On le ramener là pour y mettre mes affaires avant d'aller à ta caisse. Ok?

    La demande d'assentiment fut plus une sorte d'effet de style car clairement, il ne l'attendit pas pour partir dans la bonne direction. Il marchait d'un bon pas, sa clope toujours accroché à sa lèvre, bougonnant comme un petit vieux sur les jeunes d'aujourd'hui qui respectaient plus la tranquillité des autres.
    Soizic Cloarec
    Re: Feu de camps [Soizic] > Jeu 15 Juin - 19:36:40
    Soizic Cloarec 
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    - Tu fais chier avec ta barque à la con. Bon, elle est où? Qu'on en finisse! Et j'veux pas que le cleps m'approche de trop prêt. Ils ont tendance à pas m'aimer.... Nan, j'suis pas fâché!,

    Le regard de Soizic s'illumine, comme s'il venait de lui dire que, décidément, elle était l'être le plus exceptionnel du monde et qu'il pensait l'épouser sur le champ ! Elle le regarde se lever, puis siffle de ses deux doigts pour appeler le chien. Elle se dit que c'est un test, et que si le cabot lèverait la tête, alors il faudrait qu'elle l'accepte en tant que compagnon. Elle n'aimait pas l'idée que les gens choisissent leur chien, elle trouvait l'inverse plus vraisemblable....plus naturel. Et le chien, le fidèle, magnifique, adorable chien, très ressemblant à un loup svelte et haut sur patte, se redresse derechef et trottine dans sa direction.
    D'accord.. elle comprend. Elle glousse, lui grattouille l'oreille sans même avoir à se pencher. C'est qu'il est vraiment grand, mine de rien. Grand et beau, dans un sens qu'elle seule comprend. La beauté est un terme ésotérique pour Soizic. De son archipel, les plus beaux hommes n'avaient jamais attiré son attention. Elle les trouvait trop lisses pour s'y accrocher..trop lisse, vous comprenez ? Le plus souvent, c'était le regard qui lui parlait mais aussi l'attitude : votre manière de marcher, de parler, surtout de ne pas essayer de marcher et de parler, de le faire tout simplement, sans y réfléchir. Les humains avaient tendance à cacher leurs pensées, à s'entraîner pour devenir autre chose. C'est en cela que les animaux étaient beaux, ils se laissaient guider, tout comme Soizic. La plupart du temps...même si, en de rares moments, elle perdait cette faculté ; et elle se refusait à penser à ces moments, elle ne le voulait pas.

    Elle met les mains dans les poches de sa robe et lève le nez au ciel. Elle trouve cette journée jolie, très jolie, elle aimerait bien ramasser quelques cailloux. Mais l'autre est déjà en train de tracer en ronchonnant. Est-ce qu'elle avait dit qu'il lui faisait penser à son père ? Oui, elle l'avait déjà dit, mais là, avec sa cigarette au bec, et ses manières de bougonner, c'en était vraiment flagrant! Amusée, elle suit ses traces de pieds, sautillant derrière lui, ses bras levés à la manière d'un trapéziste en équilibre.

    "Là bas!" dit-elle, au bout de quelques minutes de marche, son doigt pointé vers son canot en bois. Elle s'élance, le dépasse en effleurant son t-shirt, et lui tire la langue au moment de le doubler. Le chien blanc courre derrière elle, il ne boîte plus, il semble plus heureux..et le bonheur calme la douleur.
    Une fois arrivée devant la barque elle balaie le sable de ses pieds nus, déterrant la corde attachée à l'avant de la coque.

    Elle adore son canot, il lui rappelle Mindanao...elle se demande encore pourquoi elle reste ici, en Bretagne. Si les habitants avaient pu voir le monde d'où elle vient : la violence due à la pauvreté, mais les plaisirs simples ; la perte des gens aimés après le passage d'un ouragan, mais le soutient de ceux qui restent , les discussions au coin du poêle, le café mal moulu qui brûle la langue, la semaine entière passée sur une pirogue, le bruit étouffé par la mer, les enfants trop nombreux qui grimpent sur votre dos, le travail acharné, la sagesse des anciens... Comment dire, comment exprimer.

    Elle tente de revenir à la réalité. Allez, allez Soizic, le chien est en forme mais ça ne dure pas toujours! Elle attrape l'avant du bateau et l'attend, se redressant sur la pointe des pieds.

    "Il est léger, crois moi, je suis celle qui l'a taillé!"


    Oui, elle faisait plein de choses dans le genre. Très manuelle, elle touchait aux objets pour calmer son excès d’énergie parfois bondissant. Le canot lui avait demandé treize mois de son temps. C'est que, disons, elle était assez inconstante. Elle se souvient le mois dernier, où elle s'était enfermée dans l’atelier pour ne rien faire d'autre que dormir sur le sol, ses habits puant la peinture à l'huile. Bonjour la tête de son père quand il l'avait trouvée là.

    Elle saute sur place, impatiente.

    "Allons récupérer tes affaires!"
    Trafalgar Brett
    Re: Feu de camps [Soizic] > Ven 16 Juin - 11:01:26
    Trafalgar Brett 
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    Grommelant dans sa barbichette, Brett avançait d'un pas décidé, faisant de grandes enjambées comme pour avaler la distance d'un seul coup, ses deux poings enfoncés dans ses poches de pantalons. La clope coincée entre ses lèvres, il fumait sans vraiment le remarquer tant il maudissait le destin de lui avoir mis une "gamine" dans les pattes à un moment pareil. Plongé dans ses pensées, il ne faisait pas attention à elle.

    Encore moins lorsque son regard capta quelque chose dans son angle mort. Un truc qui s'échappe mais qui revient toujours. A tel point agaçant qu'il fait tourner les têtes pour être aperçu. La mer. L'eau reflétait toutes les étoiles du ciel. La lumière de la lune semblait sculpter les vagues comme pour leur donner une autre dimension. Alors admiratif, il s'arrêta tout net pour profiter du spectacle et dans l'immensité de cette beauté naturelle, son esprit divagua, cherchant son chemin vers la forêt, le ramenant sans cesse vers cette odeur de mucus, cette mélodie de trilles de volatiles et d'insectes. Etait-ce un appel ou un manque? Il se mit à espérer qu'il s'agisse du premier cas. Un appel pouvait être ignoré, rejeté. Mais si c'était un manque...On pouvait en mourir. Lentement mais indéniablement, irrémédiablement.

    Poussant un soupir à fendre l'âme, il regarda ses doigts de pieds enfoncés dans le sable et fronça les sourcils, agacé par ses pensées. Avec un rictus énervé, il balança son mégot d'une pichenette habile. Juste avant de reprendre son chemin vers la fameuse barque. Il eut presque un sursaut lorsque la fille bondit à côté de lui avec son chien blanc et lui tira la langue. What's the F...?! Au moins elle avait le don de lui faire oublier, ne serait-ce qu'un instant, qu'il s'appartenait plus.

    Arrivant enfin, la "gamine" essayait déjà de soulever son embarcation, lui soutenant mordicus qu'elle était légère. Mouais... En même temps, si elle était légère, elle n'aurait pas eu besoin de lui pour la porter. Vu qu'elle tenait déjà l'avant, il se posta à l'arrière et commença d'abord par soupeser leur prochain fardeau, histoire de le porter le plus efficacement possible.

    - Minute, Papillon..., maugréa-t-il. Elles vont pas s'envoler mes affaires. Pas plus que ta bagnole. Manquerait plus qu'on s'fasse mal en portant ton machin...

    Les deux mains sur le bois, il l'observa des pieds à la tête pour juger de sa force. Un poids plume plus qu'un petit gabarit. Elle faisait partie des asperges. Avec un peu de chance, elle aurait juste suffisamment de force pour quelques mètres. L'essentiel du boulot serait donc pour lui. Pfff...

    Se décidant enfin, il attrapa l'arrière et le souleva pour le mettre à sa hauteur. C'était une mauvaise idée. Tout le poids devait sans doute reposer sur le point le plus bas. Sur Soizic en l'occurrence. Cela ne lui plaisait pas. Oui, parfois, Brett est contradictoire. Mais malheureusement, il n'eut pas d'autre chose. Impossible de mettre la barque sur ses épaules ou sur son dos et le faire glisser sur le sable pouvait le faire rencontrer une pierre ou un rocher pour l'éventrer. Il ne pouvait donc qu'espérer que la gamine tiendrait le choc.

    - Tu guides, hein?

    Finalement, ils partirent en direction de son feu de camps et de temps en temps, il l'obligeait à s'arrêter, prétextant des broutilles. Un truc entre ses doigts de pied. Des doigts qui glissent trop. Du sable dans les yeux. Bref, assez de trucs pour que la gamine puisse reprendre des forces.

    Au bout d'un temps, ils arrivèrent enfin et il reprit son sac dans lequel il fourra ses bottes et sa gourde, sa guitare. Une fois le tout sur ses épaules, il fit attention de bien éteindre son feu avec le sable, allant même jusqu'à verser son restant d'eau pour être sûr.

    Et les voilà repartis vers la voiture... avec un Brett qui inventait toujours autant d'excuses pour la soulager d'une souffrance sans doute imaginaire.
    Soizic Cloarec
    Re: Feu de camps [Soizic] > Sam 17 Juin - 17:04:10
    Soizic Cloarec 
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    (   )

    D'habitude elle dit une prière. C'est une prière que l'on dit à voix basse, pour garder l'aspect solennel de la chose. Mais depuis qu'elle est assez grande pour pêcher au lieu de juste jouer, elle le dit surtout à voix basse parce que les bajaus n'y croient plus. Il y a pour la plupart des musulmans, un peu de chrétiens aussi, mais pour le reste...ah, ils n'y croient plus, aux dieux anciens. Des mélanges d'histoires, des légendes, il y en a, mais prier à haute voix, ça non.
    Soizic a continué, malgré tout : non pas car elle se sentait le devoir de le faire, juste parce qu'elle le voulait.
    Donc, elle récitait sa prière juste avant de porter son canot. Normalement elle la récitait une fois sur l'eau, au moment de quitter sa maison sur pilotis. Ici, c'était au moment de le porter jusqu'à la mer. Elle demandait clémence et que la mer l'accepte. Surtout que la mer l'accepte. Elle tenait sa barque au dessus d'elle, sa tête dans le creux du bois et avançait en équilibre. Elle était assez forte pour cela..en dépit des apparences.

    La nuit dernière, elle s'était bêtement demandée si ses prières n'avaient pas eu un effet blasphématoire. Parce qu'elle n'avait pas été capable de porter sa barque. Elle avait du traîner le canot sur le sable comme un poids. Une pénitence. C'est la seule fois où elle n'avait pas prié. Elle avait cessé de prier. Ca paraît un détail pour beaucoup de gens : un oubli, une bêtise. Mais en réalité Soizic avait eu peur : peur de prier. Elle se dit dorénavant qu'elle avait été bien idiote de réagir de la sorte. A mesure qu'elle avance en portant son bateau de bois, elle dit pardon dans sa tête. Pardon, malgré la nuit trop vite tombée pour quelqu'un comme elle, qui vient à peine de se réveiller sur la plage. Pardon, malgré sa soudaine fatigue lorsque les étoiles et la lune se sont dégagées de leur manteau d'invisibilité. Elle s'arrête de temps en temps, dès le jeune homme en a besoin. Elle se demande si son canot est en réalité trop lourd, mais juste léger pour elle. Si ses prières d'antan n'avaient pas créé une sorte de magie allégeant le bois... mais c'était peu probable, bien sûr que non. Elle garde le silence. Le chien trotte à côté d'elle, sa langue pendue et son regard vif. Il est plus calme, moins à même de courir et attraper des morceaux de bois. Elle contemple l'océan étale, trébuche un peu. Ses bras lui paraissent engourdis. Encore une fois ils s'arrêtent. Le jeune homme ne lui dit pas pourquoi, ou peut être qu'il lui dit, mais Soizic est trop absorbée par sa fatigue. Au fond, elle lui est reconnaissante qu'il s'arrête si souvent. Elle songe même qu'il le fait exprès pour préserver ses forces : à elle, à Soizic. Mais elle ne le remercie pas, encore faudrait-il qu'elle se l'avoue à elle même.

    Une fois le camp éteint et les affaires récupérées, ils suivent la direction menant à sa voiture. Elle jette un coup d'oeil en arrière. Le chien ferme la marche. Il avance, interdit, à côté du jeune homme : comme si ce dernier était un voisin trop impressionnant. Il fait parfois semblant de renifler le sable pour mieux l'observer discrètement. Soizic retourne sa tête pour regarder où elle va, un sourire aux lèvres. Elle n'a toujours pas dit un mot, mais ce sourire suffit. Il a beau croire que tous les chiens ne l'aiment pas, Soizic pense que c'est plus complexe que ça...et puis, c'est aussi quand on se juge incompatible qu'on ne fait aucun effort. Elle siffle pour appeler l'animal qui rapplique joyeusement.

    Elle tient un instant la barque d'une main, grattouille l'oreille du compagnon. Une caresse qui se veut parole :" Laisse-le un peu tranquille, veux-tu ?." que cela signifie, avant qu'elle retienne vite le canot de ses deux mains. Ils grimpent sur une petite dune parsemée d'herbes folles. La lumière du soir avait créé des reflets sur ce simulacre de lande séchée, semblant garder le secret de quelques étoiles lumineuses dans le creux de ses tiges. Des grillons chantaient à plusieurs mètres, tandis que d'autres s'étaient tus à leurs pieds. Elle aperçoit le bout de son vieux pick up rouge, une Chevrolet c20 plutôt poussiéreuse. Cette vieille amie lui avait créé pas mal d'ennuis. Elle se rappelle des journées bouillonnantes, arrêtée au bord d'une route déserte car le moteur refusait de démarrer. Un rencard aussi, ayant bien commencé et où, au moment de s'embrasser, le siège avait fait des siennes et s'était rabattu trop vite : un de ses fous rires les plus mémorables. Elle aimait cette chevrolet, quoiqu'en dise son père ou les passants bien apprêtés.

    Elle hisse le canot avec l'aide du jeune homme sur l'espace ouvert, à l'arrière du 4x4. Le silence qui les entoure donne aux chants des vagues un air irréaliste. Dorénavant immobile face à lui, Soizic aimerait lui avouer les incertitudes qui l'agitent depuis ces derniers jours. Les murmures du vent qui ressemblent à des comptines, l'étrange silhouette égarée dans le ressac mousseux de la mer, le sentiment d'avoir perdu quelque chose...un court souvenir, tel un mot tenu au bout de la langue.

    Mais tout ce qu'elle fait, c'est tendre sa paume pour la poser contre la poitrine de l'homme. Comme on applique un baume censé apaiser le mal. C'est un geste profond qu'elle offre généralement aux enfants de Mindanao.  Malgré ses manières ressemblantes à celles de son père, elle le voit plus comme un gamin un peu perdu. Elle espère qu'il ne le prenne pas mal. Elle a toujours trouvé la poignée de main trop conventionnelle, et lui faire la bise n'était pas approprié à ce moment.
    C'est ainsi qu'elle conçoit les choses.
    Un petit sourire naît sur ses lèvres. Ses habits remués par un vent léger, et son regard serein...elle semble avoir vieilli de dix ans.  Soizic ne lui propose plus de venir chez elle pour se reposer, jouer de sa guitare ou allumer un feu. Elle sait qu'il restera là.

    "Fais attention à toi, d'accord ?"

    Elle retire enfin sa main, et son sourire devient malicieux. Elle se détourne pour nouer la corde du canot à des sangles accrochées à la Chervolet. Ses gestes sont abruptes et expérimentés, aussi rapides que la nage d'un poisson qui s'enfuit. Son regard remonte vers lui lorsqu'elle en a terminé.

    "Au fait, moi c'est Soizic. Je ne sais pas si tu t'en souviendras, ce n'est pas un prénom très commun."

    Elle rit alors et ouvre la portière de sa voiture. Sa main tapote gentiment le siège.

    "Tu sautes ? On rentre à le maison."

    Le chien tourne sur lui-même et aboie, heureux comme un diable. Elle rit une nouvelle fois en le regardant grimper dans la voiture. C'est comme s'ils s'étaient toujours connus : comme si  elle avait toujours eu ce chien.

    Son hilarité se meurt un peu quand elle reporte son attention sur le jeune homme. Elle pose ses bras croisés sur l'arrière du pick-up et se penche légèrement en avant au moment de le regarder.

    "Je me débrouillerai pour sa blessure. Je crois que tu en as déjà fait beaucoup."


    Elle se redresse et montre de son index le chemin de terre qui serpente et se noie dans un horizon noir.


    "Si tu ne sais pas où aller, marche le long de la route en terre pendant un kilomètre. Tu verras une maison blanche au toit bleu, il n'y en a pas d'autres aux alentours. Toque à la porte, par contre. Ca m'arrive de frapper les inconnus avec un peu ce que je trouve, selon mon humeur."


    Elle soupire, enfonce ses mains dans les poches de sa robe noir et lève les yeux vers le ciel piqué d'étoiles.

    "Je ne saurais pas te dire pourquoi...mais toque à la porte, c'est tout."
    Trafalgar Brett
    Re: Feu de camps [Soizic] > Mar 20 Juin - 8:47:37
    Trafalgar Brett 
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    Le canot enfin à l'arrière du vieux 4x4, Brett recula d'un pas pour la laisser consolider ses attaches. Après tout, elle avait l'air de s'y connaitre donc il n'y avait aucune raison valable pour qu'il s'en mêle. Bien au contraire... Il aurait sans doute fait bien pire...

    Soudain, il leva le nez en l'air, le mettant dans la brise qui s'échappait des terres. Etait-ce une odeur d'humus? Etait-ce vraiment la forêt qu'il reniflait ainsi? L'image d'une rouquine flamboyante s'imposa à lui sans lui demander son avis et une sensation de fourmis l'envahit instantanément. Il devait retourner dans les bois. Il se devait de la retrouver, de comprendre ce qu'IL attendait de lui.

    Alors oui, il sursauta lorsque Soizic posa sa main sur son coeur. Une main pas si petite que cela et toute brune. Une main qui lui semblait aussi douce que respectueuse. Pour l'empêcher de fuir ou peut-être pour se faire pardonner de sons sursaut, il la couvrit de la sienne, la couvant de son regard couleur miel. Un sourire ornait toujours ses lèvres mais n'était-il pas un peu moins ironique, un peu moins froid?

    - T'inquiète, 'Zic... J'peux pas oublier le nom de celle qui m'accompagne partout..., lui répondit-il, tapotant le bois clair de sa guitare. Moi, c'est Brett... Trop commun pour que l'on s'en souvienne...


    Lui lâchant la main, il eut un ricanement de voyou. Une sale habitude qu'il avait prise pour éloigner les autres de lui.

    Lorsqu'elle sauta dans sa voiture avec "son" chien, il aurait pu s'approcher pour s'accouder amicalement à la portière mais il n'en fit rien, restant à distance. Même si la "gamine" lui plaisait bien au final, il n'avait pas réussi à franchir cette barrière qu'il s'imposait face aux inconnus. Peut-être une sorte de méfiance qu'il s'était façonné au cours des années. Une sorte de masque qu'il portait pour ne pas se dévoiler tout entier.

    Alors, les mains enfoncées dans ses poches, il la regardait s'installer et démarrer son moteur. En quelques mots, elle lui lança une invitation. Venir chez elle s'il ne savait où aller. Frapper à sa porte. Avec son teint foncé, elle lui rappelait ses vieilles tribus nomades qui offraient leur hospitalité comme un don divin. Comme la seule chose qui les différenciait des animaux. Son sourire s'agrandit, légèrement moqueur, avant d'acquiescer doucement de la tête. Autant dire qu'il venait de faire une promesse. Un jour, il viendrait la voir dans sa maison blanche au toit bleu.

    La voiture démarra et le laissa au milieu de la route. Seul. Les mains toujours dans ses poches et sa guitare dans le dos. Pendant quelques minutes, il suivit le véhicule de son regard doré. Juste quelques minutes avant qu'il ne papillonne vers les arbres. Indécis.

    Finalement, au bout d'un moment, il poussa un soupir à fendre l'âme et haussa ses épaules. Autant trouvé un coin dans les bois pour y passer la nuit. Odessa serait toujours là au petit matin, dans sa cabane perchée dans un arbre.

    Il disparut dans les fourrés bordant la route de la plage...
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