Une Etude en Bleue

Je sens des petites bêtes, pleins de petites bêtes, qui parcourent ma peau. Je sens leur pas qui s’ancre en moi. Je sens chaque bourgeon de ma peau, je sens chaque petite mort affleurant mes pores. En bref, je me sens plutôt bien ! Je me suis couché tôt, levé tôt - enfin une heure après ce qui était prévu, mais c’est mieux que rien -, j’ai fait un peu de sport dans mon appartement, j’ai rangé mon appartement et aéré tout ça. Il est déjà seize heures de l’après-midi, et j’ai fait beaucoup beaucoup de choses ! J’en suis profondément heureux. Je me regarde dans la glace, je m’admire, je prends soin de moi et je me suis même coiffé et rasé ! Ces trucs que j’ai dû faire que trois fois dans ma vie en somme (bon, à part le rasage).
J’étais même presque tenté d’aller dehors, adopter un chien et aller à la fac pour peut-être penser un jour à poursuivre mes études, parce que ça fait quelques mois que je suis arrivé, et je n’ai toujours pas fait les démarches nécessaires… Mais bon, faut pas m’en demander trop, hein !

Bon, maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

Ah peut-être que rappelé Alcide serait bien pour l’appart’, mais c’est un peu beaucoup trop tard… Parce que vivre sous un bar métalleux, c’est pas le top. Et puis, l’escalier est tout étroit et craque beaucoup trop… Et mon appart n'est pas géant non plus. Je dois avouer que je me souviens plus bien de combien de mètres carrés ça fait… Je dirais 7 canapés pour la pièce principale qui fait cuisine, chambre, dressing, etc. Puis un canapé et demi, bien plié pour la salle de bain.
D’ailleurs, je devrais peut-être le changer un peu… Juste avoir un canapé-lit avec un matelas douteux comme lit, une valise comme dressing intégral et un petit tabouret large comme table, c’est pas l’idéal… Puis j’aime pas le blanc des murs… Peut-être coloré un peu tout ça ? Mais j’aime bien le parquet sinon.
Non, non, je pars encore trop loin dans mes pensées. Je m’insupporte dans ces moments-là.

Je regarde fièrement la pièce, quand j’aperçois deux trois plumes bleus qui traînent sur le sol.
Ok.

HRP:

Ouvrir la fenêtre. Laisser sortir le piaf. Câliner les chiens. Les sortir une bonne heure. Rentrer. Prendre une douche. Se changer. Manger son petit-dej. Se faire agresser par le chat. Jouer avec. Se demander où est le piaf. Continuer à rédiger son édito. Dormir à moitié. Appeler le boulot. Se redemander où est le piaf. Avoir froid. Fermer la fenêtre. S’enrouler dans un plaid avec un livre. Finir le livre. Manger son déjeuner. Faire la critique. S’inquiéter pour le piaf. Câliner ses chiens et chats et partir à sa recherche.

De manière concise, voilà pourquoi je me retrouvai dans les rues à chercher le moindre morceau de bleu foncé qui puisse traverser le ciel. Sauf qu’il n’y avait rien. Aussi me retrouvais-je contrainte de demander à tous les commerçants que je voyais s’ils n’avaient pas vu ou entendu parler d’une étrange chose bleue crissante et chiante qui avait volé dans le secteur.

J’ai retrouvé quelques plumes dans le processus mais je savais d’expérience que ça allait loin ces petites choses-là. Aussi étais-je toujours en train de chercher en fin d’après-midi. Je commençais à en avoir ras le cul. S’il continuait comme ça j’allais le laisser à son sort. En plein hiver. Dans des températures qui peuvent le tuer en moins de deux jours. RAAAAh ! Impossible, il faut que je le trouve !

Soudain, un mouvement, une sensation, un appel ? Quelque chose quoi qui dirigea mes pas vers un petit immeuble au rez de chaussé un peu grunge. Je plissai les yeux et sonnai à toutes les sonnettes. Espérant que quelqu’un me répondrait.

« Allo ?
- Bonjour, dis-je avec un léger soupir, je cherche un perroquet bleu, je voulais savoir si vous…
- Allez au diable ! Vous et vos prospectus ! »

Bruit de raccrochement. Coup de pied dans la porte. Qui s’ouvrit. Clignement d’yeux surpris. Regard à gauche, à droite, derrière. Personne. Bon. Essayons le tout pour le tout. Je montai les marches d’un pas mal assuré et frappai à la première porte du palier, croisant les doigts.

Spoiler:

HRP mais un peu quand même:

Encore étonné par les plumes jonchant mon sol, le toquement d'une porte me ramène à la lucidité.
C'est la première fois qu'on frappe à ma porte depuis que je suis arrivé en Bretagne. Je n'étais pas très rassuré, mais je l'ouvris quand même.
Mes yeux tombent sur un petit - ou grand, je ne sais pas trop - personnage blond. Femme ou homme ? Je dirais femme, vu ses mains, mais je ne suis pas sûr à 100 %, elle ressemble un peu au Petit Prince. Enfin, absolument pas, mais un peu quand même, trop compliqué à dire pourquoi !

Le Petit Prince, me passa un bref bonjour et me demanda si j'avais vu un perroquet bleu.
Mes premières impressions par cette visiteuse furent, d'emblée, assez mauvaises. Je sentis tout de suite une tension entre nous, je me sentais pas à l'aise, comme si son regard me jugeait avec un dégoût bien plus que prononcé. En vrai, je savais qu'elle s'en foutait, mais ce genre de complexe me colle tellement à la peau, je peux pas m'en défaire. C'était pas la première qui me faisait cet effet, pas la dernière non plus, mais j'aimerai très vite qu'elle me foute la paix.
Deux secondes de vides avaient déjà précédé sa demande, qu'est-ce qu'elle m'avait demandé déjà ? Ah, oui ! Les plumes ! Ça a un rapport, j'imagine.

" Je... "

A peine avais-je eu le temps de bredouiller ce pauvre mot qu'une boule bleu me percuta la tête, je fus déséquilibré et me cognai contre le mur.
La journée avait pourtant bien commencé...

"Avez-vous vu un perroquet bleu?" demandai-je simplement à l'homme qui m'ouvrit la porte après un léger bonjour.

Il semblait complètement bugué en me regardant, je ne me sentais pas très à l'aise sous son regard. Je pinçai les lèvres, prête à faire demi-tour.

"Désolé pour le dérangement..."

Quelque chose le percuta par l'arrière, le faisant avancer de trois pas au moins sur le palier exigu.

"T'en as mis du temps blondasse!" crissa Marcel.

Je grognai en me penchant vers le mec, voir s'il allait bien.

"Qu'est-ce que tu fous là, sale piaf?" demandai-je en grinçant des dents.

Il ne répondit pas et continua à voler autour de ma tête en criant à qui mieux mieux. Le mec semblait un peu sonné, je le raccompagnais dans son appart et le posais sur une chaise.

"Ça va aller?" demandai-je, essayant de me soucier de son état. "Il est un peu... euh... dynamique mais pas méchant..."

Je m'interrompis et me tournai vers Marcel.

"Par où t'as pu entrer au juste, tête de pioche?"

Il rigola plus ou moins en se perchant sur un meuble pas loin de la fenêtre.

"Et t'es resté caché tout le long?"

Il ricana encore et se garda de répondre. Sale piaf. Je soupirai.

"Vraiment désolée du dérangement, c'est précisément lui que je cherchais, il a plus ou moins fugué de chez moi..."

Je m'interrompis de nouveau. Mais. Cette sensation. Je la connaissais déjà. Non? Si. Je regardais Marcel qui semblait tout fier. Je fronçai les sourcils. Je m'étais plus ou moins introduite sans autorisation chez quelqu'un, je n'aimais pas cela. Le pauvre mec m'avait rien demandé, ni à moi ni à Marcel et on venait lui pourrir la journée. Je me sentais vraiment pas à l'aise. Mais je me devais de rester pour voir s'il allait vraiment bien... Et s'il était vraiment un... comment ils disaient déjà? Ah! Oui! Éveillé!

L’impact m’avait projeté en avant avec une violence que je n’aurai pas crue capable avec un stupide perroquet - surtout que je redoutai franchement qu’il ne m’est pas scalpé le crâne avec ses serres - .
La personne qui avait frappé à ma porte me posa, plutôt bien sonné, sur une de mes rares chaises, je la remerciai faiblement, mais assez pour qu’elle est entendue, je suppose.
Ma lucidité de nouveau en place, je la surpris à parler à son perroquet. Rien d’exceptionnel, mais, y’avait un truc bizarre, comme s’il se comprenait plus ou moins, c’est pas étonnant non plus, mais… Je sais pas.

" Vraiment désolée du dérangement, c'est précisément lui que je cherchais, il a plus ou moins fugué de chez-moi…
- Ah euh… Ce n’est rien ! Je…”

Mais qu’est-ce que je peux dire ? J’ai strictement rien à lui dire, mais… elle ne fait pas le premier pas pour partir… Brrrrrh ! Trop de malaise concentré dans cette pièce... dis quelque chose, dis quelque chose !

“ C’est étrange qu’il ai fugué, vous… vous avez l’air très… fusionnels ! ” terminai-je en palpant l’arrière de ma tête pour vérifier que tout est à sa place.

Et mince… La phrase est bateau… Quoique… non, elle est bateau…
Si le piaf a fugué, il a peut-être faim et soif, et si elle l’a cherché durant toute la journée, peut-être qu’elle aussi. Ça colorerait peut-être un peu le blanc entre nous. Mais j’ai tellement pas envie de parler à des inconnus moi… Brrrrh

“ Vous devez avoir soif après tout ça, vous voulez quelque chose ? ” proposai-je en incluant l’oiseau bleu.

Là, je peux vraiment dire que cette journée ne se termine pas sous les meilleurs auspices. J’espère qu’elle a de la conversation à revendre.

Je haussai un sourcil. Ah ? Merde ! J’oubliai de plus en plus souvent que les gens pouvaient trouver bizarre que je parle à Marcel… Et qu’il me réponde. J’esquissai un petit sourire.

« Oui, mais c’est aussi une tête de mule qui aime bien se foutre de moi. J’imagine que me voir le chercher dans toute la ville doit lui plaire ! » remarquai-je avec ironie.

Il avait l’air très mal à l’aise mais il me proposa quand même un verre d’eau. Je lui souris et acceptai, j’avais pas mal crapahuté après tout pour retrouver le piaf.

Il vint se poser sur mon épaule gauche et frotta son bec contre ma tempe. C’est ça, vas-y, fais ton mignon maintenant !

« Hum. Je ne sais pas pourquoi il s’est réfugié chez vous… » En fait si, mais c’est pas super de le sortir comme ça, franco. « Mais il a dû voir quelque chose en vous qu’il aimait bien. » Mouai, c’était nul, niais, une manière comme une autre de dire : ‘’Hey mec ! Tu aurais rencontré des esprits dernièrement ? ‘’

Bref. Je bus lentement et tendis le verre à Marcel.

« Au fait il s’appelle Marcel. Moi c’est Charity et vous ? » demandai-je.

Elle s'était assise, sur une de mes chaises, son perroquet se blottissant contre son épaule droite.Cette femme me mettait vraiment mal à l'aise et je ne pouvais pas m'empêcher de me gratter les poignets, mon vieil eczéma revient.

« Hum. Je ne sais pas pourquoi il s’est réfugié chez vous… Mais il a dû voir quelque chose en vous qu’il aimait bien.
- Oh, tutoyez-moi, s'il vous plaît ! Ça me fait sentir un peu vieux ! » Demandez à quelqu'un de le tutoyer en le vouvoyant, c'est pas un peu étrange ? « Mais j'en doute beaucoup, je n'ai pas spécialement de succès avec les animaux, repris-je. »

Elle sirota une grande gorgée d'eau - cette proposition n'a aucun sens - , puis son perroquet s'abreuva lui aussi - même si boire dans un verre, pour un perroquet, n'est pas le plus pratique, c'était plus ridicule qu'autre chose -.

D'ailleurs, peut-être que depuis que j'ai rencontré Mélusine, j'attire les animaux ? Vu qu'apparemment il semble que je sois lié à un esprit animal... c'est peut-être possible, même si Mélusine ne m'a pas trop parlé de mes "nouvelles capacités"... C'est génial ! Enfin, si j'attire tout le temps ce perroquet, non merci.

« Au fait il s’appelle Marcel. Moi c’est Charity et toi ? »

Marcel, c'est un super prénom ! Et, Charity, c'est assez classe... et moi ?

« Je m'appelle Paul, enchanté ! »

Dis un truc...

« Euh... Vous avez l'air de vous connaître depuis longtemps, Marcel et toi, non ? »

Oh, mon dieu.

Je hochai la tête, acceptant de le tutoyer.

« Seulement si tu me tutoies aussi, je ne suis pas si vieille non plus ! » remarquai-je avec un léger rire.

Je plissai les yeux. Et attendit, est-ce que c’était juste une sensation passagère ? M’enfin, je le sentais légèrement un peu comme avec Sigur ! J’arrivai pas à déterminer si… Mais quand même, y’avait quelque chose, hein ? Je regardais Marcel en haussant un sourcil. Il se contenta de me regarder tranquillement.

« Oui, je l’ai depuis… cinq ans. Et comme on se comprends bien… voilà. Parce que tu vois, désolé si je suis un peu brutale, mais depuis un an, je vis des trucs bizarres et dernièrement, j’ai découvert que je pouvais parler aux animaux. Dis-moi, Paul, est-ce que toi aussi tu as fait des rêves ? » demandai-je tout de go.

Au pire des cas, il me prendra pour une folle et me jettera dehors, au mieux, il réagit positivement et accepte de garder contact, dans les deux cas, j’aurais une réponse.

Spoiler:

Spoiler:

« Oui, je l’ai depuis… cinq ans. Et comme on se comprend bien… voilà. Parce que tu vois, désolé si je suis un peu brutale, mais depuis un an, je vis des trucs bizarres et dernièrement, j’ai découvert que je pouvais parler aux animaux. Dis-moi, Paul, est-ce que toi aussi tu as fait des rêves ?
- Oui. »

Un simple "oui", pas d'hésitation, rien. Je la regardai, pas d'un regard glacial, je suis pas comme ça, mais il n'était pas vraiment chaleureux, je ne sais pas comment l'exprimer, c'était plus de la détermination qui pourtant n'avait pas lieu d'elle. Puis je souris, un grand sourire comme je n'en avais jamais fait, j'avais limites un peu de larmes aux coins des yeux. Pourquoi ? Alors que je n'ai pas encore réalisé ce que j'étais. Ça non plus, je ne sais pas.
Toute la conversation avec Mélusine repassait, tel un film, dans ma tête. Une infinité de détail que je ne me rappelais même pas avoir vu.

« Cerf, j'imagine ! Ça sent assez clairement ! Je dois avouer que je suis assez curieux de savoir ce que ça fait de parler aux animaux, je dois avouer que, malgré mon respect pour eux, je doutais qu'il soit assez intelligent pour s'exprimer assez clairement, il parle par couleur ? m'exclamai-je en me souvenant des totems que Mélusine m'avait expliqué. »

Le contentement qui m'emplissait, je ne sais pas comment, avait fait disparaître mon voile de timidité, comme avec Gwendal. C'était ma deuxième fois dans ma vie.

« Ah, euh, désolé ! Je me suis un peu emporté, me repris-je. Je... Je te proposerai bien, à toi aussi Marcel, quelque chose pour qu'on en discute, mais... Je ne bois ni thé ni café, je n'ai que du jus d'orange, alors bon... »

Je déglutis, je sentais quelque chose de lourd s'accrochait peu à peu à mes pieds, mes épaules, mon dos et mon estomac. Mais je résistais, à quoi, je ne sais toujours pas !
Je me recroquevillai sur ma chaise.

« Pour tout t'avouer, j'ai encore un peu de mal à réaliser... C'est assez... irréel, je pense que c'est le mot, osai-je. »

Un oui tout simple, une respiration que je retenais qui se relâche. Bon, visiblement, je me plante plus trop désormais. J’ai bien compris le principe. Heureusement que j’avais croisé ces gens dans la forêt avec Alex. Je sens un sourire étirer mes lèvres lorsqu’il parle, plus qu’il ne l’a fait depuis que je suis arrivée. Cela semble le libérer aussi. C’est amusant.

« Oui, cerf. Ils parlent clairement, oui, aussi étrange que cela puisse paraitre. Surtout Marcel, lui, il adore m’insulter, mais je le lui rends bien. Et puis c’est un sacré trublion. »

Je secouai la tête.

« C’est pas grave, je comprends. Ça a perdu l’attrait de la nouveauté pour moi car je connais déjà quelques éveillés. Mais j’ai toujours un doute quand je pose la question à quelqu’un. » remarquai-je.

Je le vis soudainement perdre de sa superbe.

« Ne t’inquiète pas. Vu tout ce que tu sais, toi, tu as la chance d’être guidé. Moi, j’ai du tout appréhender par moi-même et ça n’a pas été simple. Et j’ai vu des trucs… des trucs fous ! Je te jure, je pense qu’on a pas le choix, faut l’accepter et le voir du bon côté des choses. J’ai une amie proche qui n’en a pas voulu du tout. Son esprit a tellement cherché à la contacter qu’elle a eu une syncope. Ça s’est débloqué à partir de là. Mais sur le moment c’était impressionnant. On m’a dit que naturellement, on cherche la présence des autres comme nous, même s’ils n’ont pas le même esprit. Tiens d’ailleurs, t’es pas du cerf, je me trompe ? Ton esprit, c’est qui ? » demandai-je, curieuse.