Par un après midi d'été au Cloître Toussaints

Wow ! Je ne suis jamais allé à Angers, c’est fou comme une ville peut receler de trucs plus sympas que le bitume parfois. Bon, j’admets que Rennes est pas mal aussi dans le genre mais j’aime bien cette ville.

« Ca va Stan ? » demandai-je en me penchant vers son encolure.

Il se contente de me répondre qu’il a hâte d’arriver à mon petit protégé. Je suis assez d’accord avec lui. En fait, ça fait bien une demi-heure qu’on tourne en rond, regardés par les passants avec des yeux ronds. Je sais qu’il est par là mais je ne trouve pas de passage pour… Ah ! Un portail ancien ! Ce devait être ici ! Stan trotte vers le portail et je me baisse pour ne pas me faire décapiter.

Là ! Un petit blond assis sur au pied d’un arbre ! Ce doit être lui ! Je me laisse glisser de Stan et lui tapote la joue avant de rejoindre le garçon. Je m’assois dans l’herbe à côté de lui. J’essaie de rester calme mais je me penche vers lui et lui lance :

« Une belle journée n’est-ce pas ? La nature est si douce dans cet endroit ! »

Je penche la tête sur le côté, analysant son apparence. Son nom ne m’avait pas encore été donné, mais je savais quel était son totem et comme toujours j’en étais contente. C’est plus facile de guider quelqu’un vers la réponse quand on la connait. Je m’assis en tailleur et attrape mes chevilles pour ensuite me mettre à me balancer d’avant en arrière.

« Que fais-tu ? » Je demande en regardant les feuilles éparpillées autour de lui.

Il présente bien, je suis surprise qu’il ne soit pas cerf, mais bon, la voie des esprits est impénétrable comme qui dirait ! Il a l’air de vouloir partir, ce que je ne comprends pas, avant de me répondre. Je souris.

« Des aikus ? Les poèmes japonais, je vois. Tu aimes la nature alors ? » Je remarque, me remémorant un ancien élève japonais qui m’avait fait découvrir ces poèmes et les règles qui les entouraient.

Je pose mes coudes sur mes genoux et ma tête sur mes mains et regarde Stan qui semble attirer l’attention sur lui, heureusement qu’il aime bien ça.

« Oui, c’est mon ami, il s’appelle Stan. Nous voyageons souvent ensemble. »

Est-ce que répondre que je suis là pour lui est si étrange ? Je me suis rendu compte avec Tullia et Brett que ça pouvait le paraitre.

« Je profite du calme de cet endroit, un vrai coin de paradis au milieu de la ville. »

Je ne peux retenir ma grimace à l’évocation de la ville et en voyant tout ces amas de bétons affreux. Je hausse les épaules et lui souris.

« Je suis Natÿre, enchantée David Brighton. C’est un vrai plaisir de te rencontrer en ce beau jour ensoleillé. »

Je lui fais un clin d’œil.

« J’aimerais, si cela ne te dérange pas, discuter. »

Je jette un coup d’œil à Stan qui comprend et s’éloigne un peu de nous, attirant la troupe qui le tripotait un peu plus loin.

« Tu m’as l’air d’être quelqu’un d’assez équilibré et calme, alors j’espère que tu ne vas pas mal réagir… Fais-tu des rêves en ce moment ? Du genre qui te paraissent réalistes mais dont tu ne te souviens pas ? Et qui perturbent ton sommeil ? »

Je prends une longue respiration, recyclant les flammes qui me parcourent, j’aimerais que les gens comprennent leurs flammes intérieures et il a l’air, lui, d’en savoir un peu là-dessus. J’aime ça.

Nous sommes la nature qu’il a dit ! Je sens l’excitation monter en moi, je l’adore celui-là, pourquoi ils sont pas tous comme ça ?! Sérieusement c’est génial ! Je hoche la tête à la remarque sur Stan mais hausse les épaules. On peut pas suivre mes convictions et rouler en voiture, ce serait ridicule. Bien sûr qu’il réagit moins bien à ma question, c’est une évidence. Mais ça va, il a l’air de s’y faire assez vite, c’est plutôt sympathique. Je prends un air mystérieux, faire un peu la fille secrète qui sait beaucoup de choses mais qui ne dit pas.

Un sourire s’allonge sur mon visage et y prend beaucoup de place.

« Ça me regarde parce que j’en ai fait aussi… il y a quelques temps. »

Je compatis à sa douleur mais sincèrement, c’est comme une épine qu’on enlève du pied ces rêves, y’a du mauvais pour amener au meilleur ! Je déplie mes jambes et m’allonge contre l’arbre, glissant dans une position qui empêche que quiconque ne regardant pas précisément dans notre direction ou du haut de l’arbre ne voit pas ma main gauche, juste au cas où.

« J’en sais beaucoup plus que ce que tu penses. Je dirais même que je suis là pour ça… pour toi. » Je lance avec un clin d’œil.

« En réalité, il y a plein de gens qui subissent ce genre de rêves dans le monde. Et tous se rassemblent à un seul endroit, d’où je viens. » Je souris, espiègle.

« Totarnec ! Tu connais ? C’est en Bretagne, près de la mer, de la forêt et de tout ce qui est bon et naturel sur cette terre… Même si la ville en elle-même ne l’est pas. »

Je hausse un sourcil.

« Ça te dirais de venir avec moi ? Comprendre tout ça ? Ou alors tu veux que j’explique plus maintenant ? »

Je me redresse, toujours de manière à ce qu’une de mes mains soit invisible pour d’autres que lui.

« En tout cas, je suis responsable de toi à ce sujet, j’ai été désignée pour t’aider et de guider… Un peu comme un professeur, tu vois le genre ? Donc ne fait pas de bêtises, ça pourrait retomber sur moi. » J’ajoute d’un air malicieux.

Je soupire et hausse un sourcil amusé. Encore un qui s’y croit. Mais il touche moins ma corde sensible que Brett. Dommage pour lui. Je jette un coup d’œil à Stan qui semble très bien se débrouiller, personne aux alentours.

« Non, pas de rêves débiles petit. » Je sens mon cœur s’accélérer, l’adrénaline de faire ça dans un lieu non sécurisé. « Tes rêves vont continuer jusqu’à ce que tu viennes à Totarnec. Mais ils vont s’apaiser une fois là-bas. Il y a plein d’autres choses cachées derrière ces rêves. »

Mon sourire devient flamboyant, mon regard aussi et je penche la tête vers ma main. Une flamme apparait. Je regarde à côté, toujours personne pour s’intéresser à nous. Parfait.

« Des choses comme ça. »

Je désigne ma main qui flambe joyeusement.

« Tu peux vérifier, c’est absolument sans trucage, ça vient de mon feu intérieur. » Je lui explique.

« Je ne te ménagerais pas, petit. Je suis une guerrière choisie par la Terre, la Nature, pour la représenter et la protéger. Je suis une goutte d’eau dans l’immensité des gens à qui elle a demandé de l’aide. Les autres sont pour la plupart à Totarnec, d’autres vivent dans le reste du monde, pleinement éveillés et conscients de leurs pouvoirs, d’autres encore attendant d’être éveillés… Comme toi. » J’énonce lentement, en captant son regard au maximum pour qu’il croie en ma sincérité.

Ma flamme se scinde en plusieurs petites boules de feu qui se mettent à voltiger dans mon ombre, de manière à ce que les gens ne voient pas. Elles dansent dans mes cheveux et autour de mon bras.

« On commence tous par être amené par un totem animal. Il y en a onze. Ensuite, pour quelque uns d’entre nous, les éléments nous englobent et font de nous des formateurs, des guides, des professeurs pour ceux qui découvrent leurs esprits affiliés. Les esprits choisissent les gens arbitrairement, après avoir observé ces gens, avoir aimé leurs manières de vivre ou d’agir. D’aimer ou de haïr. Tu comprends ? C’est un tout, un tout secret, nouveau, voué à protéger la nature, un tout dans lequel ils t’incluent. »

Je laisse les flammes s’éteindre lentement et le regarde en souriant. Comment va-t-il réagir à ce début.

Je le fixe, en attente d’une réaction plus parlante que ce regard pensif. J’espère que j’y suis pas allé trop franco. Je change plus ou moins de technique à chaque fois mais ça me semble pas encore parfait comme méthode… Enfin de toute manière même si je trouve la bonne il me faudrait m’adapter à chaque éveillé et puis de toute manière la routine c’est la mort… Je hoche la tête avec un sourire à ses paroles. Nul besoin de rajouter quelque chose, il semble comprendre à sa manière.

« Concrètement ? Tu es maintenant un éveillé d’esprit, tu es destiné à protéger la Nature contre les agressions qu’elle subit constamment. D’abord à petit échelle dans notre petit coin de Bretagne, au final de manière plus ou moins internationale. Je bouge peu, mais je fais partie de ces formateurs qui voyagent sur un même continent. D’autres sont plus à même de traverser les mers… Bref. Les esprits donnent des indications, des missions, des conseils. Et nous sommes tenus de les suivre, si ce n’est à la lettre, du moins dans l’idée. »

Je cherche soudain des yeux Stan, qui s’est encore éloigné. Est-ce que ce mec essaie de monter sur lui ? Il me lance un regard agacé, il attend que je vienne l’aider. Je me lève d’un bond.

« Hey ! » Je lance tranquillement.

Stan se rebiffe encore et me fonce dessus. Je ne bouge pas tandis qu’il s’arrête brusquement à côté de moi.

« Le prochain qui essaie de lui monter dessus, je lui arrache les cheveux. Vous verrez ce que ça fait de se faire tirer sur la crinière. Il est déjà bien assez patient de vous accepter alors soyez respectueux. » J’explique tandis qu’il s’ébroue à côté de moi en hennissant. Je pince les lèvres et me tourne vers mon petit raton.

« Que dirais-tu d’aller discuter ailleurs ? Il y a trop de monde, je ne peux pas tout t’expliquer ici. » Je remarque avec un sourire, mes yeux restant attentifs aux mouvements du public déçu de mon Stanislas chéri.