Séraphin Duplessis [Terminée] [TERRE]

L’individualité n’est certainement pas importante lorsque notre vie est liée avec une telle force à celle de la nature, mais puisqu’il me faut me présenter, permettez-moi d’être succin. Je me nomme Seraphin Duplessis et je suis maintenant âgé de 23 ans. Je suis d’origine française bien que j’aurais voulu qu’il en soit autrement. Pour ce qui est de ma santé, je dois dire que j’ai depuis longtemps cessé de m’en faire pour cela ; j’ai comme tout le monde mes allergies et mes faiblesses, mais je considère mon corps comme assez solide pour les surmonter et le destin comme suffisamment clairvoyant pour décider seul des aléas de ma vie. D’autre part, vivant presque sans cesse au contact direct de la nature, je pense que mon corps s’est rodé. J’ai toujours beaucoup aimé le grand air et le voyage, malgré mon enfance passée dans le centre-ville de Strasbourg. J’étais le premier quand il s’agissait de descendre sur les rives du Rhin ou de trainer dans la forêt de la Robertsau. Ce sont finalement mes premiers voyages scolaires qui m’ont poussé à m’ouvrir à de plus vastes étendues. Avant même d’obtenir mon baccalauréat, j’ai fait mon sac et je suis parti. Mes parents reçoivent régulièrement de mes nouvelles et sont venus quelques fois me voir, mais je ne suis jamais rentré chez moi.

Concernant mes particularités physiques, vous remarquerez vous-même que ma taille n’est pas des moindres, deux mètres zéro un, pour être très exact. Je ne suis pas très épais c’est vrai, mais ne vous fiez pas à cela, je sais me défendre. J’ai les cheveux très noirs et les yeux très verts.



Parce qu’on m’a déjà appelé Groot ?

Plus sérieusement, j’ai toujours été plus à l’aise entre le chêne et le noisetier qu’entre Jean et Jacques, Pauline ou Gaelle. J’avais des amis, comme tout gamin à mon âge, mais ils ne m’ont jamais vraiment manqué. Je me suis demandé si je n’étais pas malade pour désirer tout le temps être dehors, seul, plutôt qu’avec les gens de mon âge. Vraiment, il m’arrivait de m’installer au milieu de nulle part, contre un arbre, et de lui parler, de le toucher ou simplement de le regarder pendant des heures. Quand le soleil brillait, je riais, quand la pluie tombait, je pleurais, et quand le tonnerre grondait, je hurlais avec lui. J’aime la vie et j’aime les hommes, mais j’aime la nature plus que cela encore. La bienveillance que je ressens envers mes semblables n’égale pas l’amour que j’ai pour elle.

J’ai vu et vécu plus de choses en cinq ans que je n’en vivrai pendant le reste de ma vie. Je dis cela sans prétention, ce n’est pas pour vous montrer que je sais tout ou que je sais tout faire, loin de là, juste pour vous signifier que mon cœur, mon esprit et mon âme ont rencontré l’immensité du monde et en sont revenus conscients. Conscients de la vie, de la mort, de la pauvreté, de la fragilité de notre planète et de nombreuses choses qui composent nos vies. Je n’ai pas du tout été capable de gérer tout cela, je me suis perdu entre l’Amérique du Sud et l’Afrique, entre la culpabilité et la peur, la pitié et l’amour. Je me suis rendu compte que jamais plus je ne pourrais vivre seul face à elle, qu’il fallait que je vive avec elle, ou au moins avec d’autres personnes qui partageaient mes sentiments pour elle. Peut-être, je pense, est-ce pour cela qu’il m’a choisi. Il a fallu qu’on vienne me chercher jusque là-bas pour que je comprenne que je n’étais pas seul et que nous étions plusieurs en quête d’apaisement.



Comme je l’ai déjà évoqué, j’ai vécu les dix-huit premières années de ma vie en Alsace, en centre-ville. Je n’ai pas été un enfant très difficile, particulièrement discret et un peu distrait. Mes parents ne se sont pas trop fait de soucis pendant mon enfance : j’allais de moi-même jouer dans les espaces verts mais les autres enfants de mon âge faisaient de même, du temps des trottinettes et des jeux de billes. C’est plus tard, à l’adolescence, que cela s’est légèrement gâté. Pour commencer, je n’étais pas très porté sur les études, je dois avouer que j’ai été accepté de justesse dans mon lycée. Le souci c’est que je ne l’étais pas non plus sur les jeux vidéo ou le skate ou les autres activités qu’on me présentait en vain. Ces choses-là ne m’ont jamais intéressé. J’aurais adoré vivre en campagne ou dans les montagnes – voir la mer ! – mais mes parents ne m’emmenaient jamais très loin et jamais bien longtemps.
En seconde, j’ai eu pour la première fois l’occasion de partir, avec mes cours d’allemand. C’est beau l’Allemagne ! Ce voyage m’a ouvert les yeux. Nous étions logés chez l’habitant dans une petite vallée et le vert de la prairie n’a jamais quitté mes yeux. Comme j’ai craché mes poumons quand je suis revenu à Strasbourg ! Dès lors, mon objectif premier a toujours été de partir, le plus loin possible, le plus longtemps possible. Ne plus jamais retourner en ville, en tous cas pas là-bas, et découvrir de nouvelles choses. Malheureusement ces envies m’ont coupé de mes parents. Déjà que je n’avais pas beaucoup d’amis, voilà que je me mettais à parler d’ailleurs. Ils m’ont vu me fermer de jour en jour, toujours dehors quel que soit le temps. Une fois ils ont appelé la police pour venir me chercher sur une branche d’arbre. Il neigeait.

Ils ont bien essayé de me faire voir du monde, cousins, amis et même professionnels, jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que cela ne servait à rien d’insister. Un deuxième voyage se profilait ! Avec les cours d’anglais cette fois : nous pouvions partir en Australie et les sélections se faisaient au mérite. Je n’ai jamais autant travaillé de toute ma vie ! Mais cela en valait la chandelle, car aujourd’hui mon anglais est impeccable. Revenu d’Australie, je n’ai pas attendu une année de plus. Mes parents ont choisi de financer mon périple malgré leurs craintes. Je suis parti avec un sac sur le dos, en Europe, en Asie, en Amérique, même le Groenland ! Je respirais mieux à chaque foulée, à chaque découverte. En revanche, j’ai continué à avoir du mal avec les gens, c’est peut-être pour cela que mon voyage s’est arrêté. Loin de chez moi, je ne pouvais vivre seul. C’était une période un peu difficile, mais elle a été là pour moi, elle m’a envoyé un guide. Et je suis là maintenant.





Devinez qui c’est ! 8D